Tribune: Leçon de vie de Mariam Mahamat Nour sur le dialogue intergénérationnel
A l’occasion du lancement du dialogue intergénérationnel ce matin à l’hôtel Radisson Blu, madame Mariam Mahamat Nour, Ministre Secrétaire Générale du Gouvernement chargée des Relations avec l’Assemblée Nationale, par ailleurs Présidente du Conseil National des Femmes Leaders du Conseil a présenté un discours inaugural dans lequel une leçon de vie pleine d’anecdotes et d’expérience liée à la société tchadienne à travers plusieurs générations.
Voici l’intégration de son discours intexto.
C’est pour moi un insigne honneur de prononcer cette conférence inaugurale sur le dialogue intergénérationnel à l’Occasion de la SENAFET édition 2020. Y’a-t-il meilleure opportunité que la Semaine Nationale de la Femme Tchadienne pour parler du dialogue intergénérationnel quand on sait le rôle clé que joue la femme dans la famille ? Certes l’homme est le père de la famille mais c’est la femme qui est le pilier de cette famille !
Excellence Mme la Première Dame, Chers participants, Mesdames et Messieurs
L’objectif principal de ce dialogue intergénérationnel est la sensibilisation des étudiants et des jeunes issus des Organisations de la Société Civile, de l’administration publique et de la sphère politique sur le concept genre, l’égalité Homme-Femme, en termes de droit ainsi que sur la nécessité d’instaurer un dialogue entre les générations.
Dans nos sociétés traditionnelles, la génération peut être définie comme le condensé graduel de la totalité de la chaine des savoirs et des savoir-faire acquise par l’initiation comme le yondo ou l’éducation par les anciens, dans la plupart des sociétés tchadiennes. Le passage d’une génération à l’autre relève des critères stricts dont la possession sans faille débouche sur le savoir et le pouvoir communautaire.
Comme vous pouvez le constater, dans notre monde d’aujourd’hui, il n’y a presque plus de mode de transmission des savoirs des anciens vers les jeunes. Les initiations en brousse, les veillées nocturnes pendant lesquelles les anciens initient les jeunes à la vie adulte en leur transmettant des savoirs ancestraux, ont pratiquement disparu.
Avec l’avènement de la démocratie et du multipartisme, on assiste à une déstabilisation du système traditionnel et la transmission du pouvoir ne se fait plus selon les critères traditionnels d’où le conflit générationnel.
Le dialogue intergénérationnel est d’une importance capitale dans toutes les sociétés parce que c’est sur lui que repose l’idée même d’éducation. C’est par ce qu’une société croit que les plus vieux peuvent (et doivent) communiquer des connaissances, des règles de vie, des mœurs, bref, une culture aux plus jeunes qu’elle investit massivement dans un système d’éducation.
Il existe aujourd’hui plusieurs embuches psychologiques qui nuisent au dialogue générationnel. On note une grande difficulté d’établir un dialogue générationnel, surtout quand il s’agit de parler de politique ou de vivre-ensemble. Or il existe un réel clivage générationnel. Les plus jeunes accusent les plus vieux d’immobilisme, de lâcheté ou d’apathie. Les plus vieux traitent les jeunes de fous, de radicaux et d’ignorants, en particulier de l’histoire. Les plus vieux traitent les plus jeunes de manière paternaliste parce qu’ils ont l’impression d’en connaitre plus qu’eux sur tous les sujets et surtout parce qu’ils se reconnaissent en eux.
Mais Excellence Madame la Première Dame, Chers enfants, Mesdames, Messieurs
Vieillir est, presque par définition, connaître un spectre toujours plus grand d’expériences de vie qu’il s’agisse de souffrances, de joies, d’ambitions, de déceptions, d’illusions et de désillusions… et les plus vieux se sentent donc en droit de dire aux plus jeunes : «Vous verrez bien.» À l’inverse, les plus jeunes considèrent l’expérience des plus vieux comme figée, caduque et dépassée pour faire face aux nouveaux défis qu’ils soient politiques, technologiques, ou environnementaux. Les plus vieux ne seraient plus « in », à la page ! Parce que, comme aiment à le rappeler constamment, les jeunes on est en 2020, au 3ème millénaire !
C’est pourquoi, Excellence, Mesdames et Messieurs, il est essentiel qu’un canal de communication intergénérationnel soit ouvert. Parce qu’au-delà de nos différence d’âge nous sommes tous des contemporains et donc embarqués dans le même bateau ! Et puis ce dialogue intergénérationnel s’impose pour relever les défis économiques, sociaux et politiques résultant des changements démographiques. Le dialogue intergénérationnel permet de réaffirmer les valeurs, nos valeurs ancestrales. SEM le Président de la République n’a-t-il pas appelé à un changement de comportement, lors de la clôture du Forum National Inclusif, il y’ deux ans ? Plus près de nous, le 4 Avril dernier, lors de la leçon inaugurale sur la citoyenneté que Son Excellence Monsieur le Président de la République a prononcé devant les élèves de la 18ème promotion de l’ENA, il a souligné, je le cite : « force est de constater qu’aujourd’hui dans notre pays les comportements de certains de nos concitoyens sont tout sauf citoyens. Nous vivons en quelque sorte une crise ou un déficit notoire de citoyenneté, devrais-je dire. Et les exemples sont légion : le non-respect des lois de la République, le détournement des biens publics ou leur dégradation volontaire, le non-respect du Code la route, les violences sous leurs diverses formes dans les établissements scolaires, dans les quartiers et surtout dans les campagnes. Toutes ces inconduites ont un dénominateur commun : l’absence de citoyenneté » fin de citation.
Nous ne pouvons qu’être d’accord avec SEM le Président de la République : Tout repose sur la citoyenneté : Par manque de citoyenneté nous circulons à N’Djamena comme de fous : personne ne veut céder le passage, quitte à créer un embouteillage artificiel qui fait perdre du temps à tout le monde et induire des accidents parfois mortels ; l’école, temple du savoir est devenue un lieu où sévit la violence ! Les écoles sont devenues de véritables poubelles, il n’ya plus d’élèves de service qui veillent sur la propreté de l’école ! Les élèves n’ont aucun respect pour les enseignants ; Les compétitions dans l’administration ne sont plus basées sur la recherche des connaissances, la culture de l’excellence ; on cherche les responsabilités pour s’enrichir ; combien de cadres placés à des postes de responsabilités stratégiques n’ont-ils pas, sans ambages,manifesté leur mécontentement et ont indiqué, sans détours et sans sourciller qu’ils ne tirent rien de ces postes et qu’il faut leur trouver autre chose ! Où est le Tchad dans tout cela ? Où est l’intérêt général ?… La liste des manifestations de la non-citoyenneté et de l’incivisme est si longue qu’on passerait toute la journée sans en arriver à bout ! Passons à l’équité du genre !
Excellence Madame la Première Dame,
Vous êtes les seuls avec Son Excellence Monsieur le Président de la République et quelques hommes boucliers à y croire et à la booster, en posant des actes tous les jours, pour la promouvoir ! On trouve souvent un bouc émissaire, enfermé sous le vocable de « pesanteurs socio-culturelles » ! On ne peut pas nier l’existence de ces pesanteurs socio-culturelles par rapport à certains aspects de notre vie sociale mais elles ne sont pas les responsables de la non considération des femmes ou de la minimisation des femmes qui est l’œuvre des intellectuels jeunes et vieux !Toutes les femmes politiques qui font le terrain, parcourent le Tchad profond, vous diront : que ni les Chefs Traditionnels, ni les Chefs religieux, ne font de différence entre un chef de délégation homme et un Chef de délégation femme, entre un responsable politique Homme et une responsable politique femme ! Les ruraux sont en avance Excellence Madame la Première Dame, chère Marraine ! Il n’ya rien ! Il n’ya que l’homme avec un petit h qui a peur…
Excellence Madame la Première Dame, Mesdames, Messieurs,
Vous aurez le loisir de suivre et de participer aux panels de discussions sur des thèmes cruciaux tels quela problématique de l’éducation à travers les différentes générations, la perception du genre par les différentes générations, la Participation des jeunes dans les instances de prise de décision, les pesanteurs socio-culturelles, l’utilisation des TIC et l’entreprenariat, sur lesquels il est primordial que les différentes générations se prononcent. De ces débats, de ce dialogue intergénérationnel en profondeur, jaillira la lumière qui éclairera le Tchad !
Pour ma part je dirai simplement, à la suite de Son Excellence Monsieur le Président de la République et à votre suite Madame la Première Dame, qu’il esttemps que les tchadiens dans leur ensemble, jeunes et vieux, hommes et femmes, adoptent et appliquent au quotidien, l’ensemble de nos bonnes valeurs, comme la discipline, le respect des ainés, l’unité, le respect d’autrui, l’égalité, la tolérance, la solidarité, la concentration, l’honnêteté, l’intégrité et l’éthique du travail.
Je vous remercie de votre aimable attention !