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Soudan : les violences se poursuivent malgré la signature d’un accord de paix

Les voleurs de bétail étaient endormis, en attentant de mener un nouveau raid, quand des tirs d’armes automatiques ont retenti dans leur campement. Piégés par des gardiens de troupeaux rivaux, encerclés et moins bien armés, ils ont été massacrés, un par un.

Koba Ngacho a eu de la chance. Blessé trois fois et laissé pour mort, le jeune homme a été retrouvé vivant et évacué vers Juba pour y être opéré.

“Je suis heureux d‘être vivant”, raconte Koba, 20 ans, pendant qu’on l’emmène dans l’un des rares hôpitaux du pays capable de traiter des blessures complexes par balles.

En février, après des mois de négociations, le président Salva Kiir et son rival Riek Machar ont accepté de former un gouvernement d’union nationale, afin d’en finir avec une guerre civile qui a fait en six ans plus de 380.000 morts.

Mais la violence armée n’en a pas pour autant faibli dans un pays regorgeant d’armes et déchiré par les rivalités entre communautés.

Les hôpitaux sont remplis de jeunes gens comme Koba. Ce ne sont pas des soldats, mais des fermiers ou éleveurs blessés dans de violents combats pour des terres, du bétail ou pour assouvir un désir de vengeance.

Ces affrontements intercommunautaires resurgissent périodiquement et ont augmenté ces derniers mois, en même temps que diminuaient les combats entre troupes de MM. Kiir et Machar.

Des milliers de membres des ethnies Nuer et Murle se battent depuis février dans l‘État oriental du Jonglei, pour l’accès au bétail ou à la nourriture, laissant derrière eux des villes détruites et un nombre inconnu de morts et blessés.

L‘émissaire de l’ONU au Soudan du Sud, David Shearer, a raconté qu’on laissait pourrir à l’air libre les corps, et que des femmes et des enfants étaient enlevés par chaque camp.

Une situation inacceptable selon l‘émissaire de l’Onu au Soudan

“C’est moralement inacceptable”, a-t-il déclaré à la presse à Juba le 9 mars, après avoir visité cette région, où 8.000 civils se sont réfugiés dans une base de l’ONU.

Les combats entre la rébellion de M. Machar, redevenu vice-président en février, et les forces de M. Kiir ont considérablement diminué après la signature en septembre 2018 d’un accord de paix accompagné d’un cessez-le-feu.

D’autres mouvements rebelles continuent toutefois à s’opposer au gouvernement dans la région de l‘Équateur central (sud).

Avec cet ensemble de violences plus localisées, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a traité en 2019 plus de patients pour des blessures par balles (769), que l’année précédente (658). La même tendance est attendue pour 2020.

Depuis décembre, des Casques bleus ont été déployés dans le Jonglei, et aux alentours des villes de Tonj et de Rumbek, dans le centre, où les violences entre communautés ont fait des centaines de morts et de blessés, et forcé des milliers de personnes à fuir.

Massacres et vendettas

Ces conflits locaux pourraient devenir incontrôlables et prolonger les souffrances d’un pays qui n’a guère connu que la guerre depuis son indépendance du Soudan en 2011.

L’Union européenne, notamment, a demandé à MM. Kiir et Machar de “redoubler d’efforts” pour apaiser les tensions. Mais les deux dirigeants sont occupés ailleurs. Ils n’ont nommé leur gouvernement que jeudi après un mois de négociations serrées.

“L’absence d’autorité au niveau de l‘État a provoqué un vide du pouvoir(…), enhardissant ceux qui sont impliqués dans les récents affrontements violents entre communautés”, a souligné M. Shearer.

La violence dans le Jonglei a suivi de fortes inondations fin 2019, qui ont anéanti les cheptels et considérablement appauvri les communautés locales.
Les éleveurs comme Koba volent alors du bétail, un phénomène séculaire au Soudan du Sud, mais devenu très meurtrier. Les lances ont été remplacées par les armes automatiques, souvenirs de décennies de guerre avec le Soudan.

Aux massacres répondent de sanglantes vendettas. Margaret Malweyi, infirmière pour le CICR, raconte que des gens de clans rivaux doivent parfois être placés dans des salles différentes pour “qu’ils ne recommencent pas à se battre”.
C
ertains, à peine remis sur pieds, rentrent “chez eux et veulent se venger”, ajoute-t-elle. “Ils sont blessés à nouveau, ils reviennent ici (et) on les soigne”.

Pour ceux qui s’en sortent, l’avenir est souvent sombre. Certains sont infirmes, d’autres ne marcheront plus jamais. D’autres encore sont pour toujours traumatisés.

AFP

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