Pape Diouf, l’ancien fils d’Abeché (Tchad) emporté par le COVID19
Pape Diouf, c’était d’abord un esprit. Un esprit éclairé, rieur, rigoureux. Pape Diouf, c’était aussi une franchise aiguisée, juste, honnête. Dans le milieu du football comme ailleurs, il ne craignait personne, et sa dialectique d’homme très cultivé calmait vite ses rares contempteurs. « Pape », comme l’appelaient anonymes et proches, est mort le 31 mars à Dakar, emporté par le coronavirus, à l’âge de 68 ans, première victime de la maladie au Sénégal. Son nom restera à jamais associé à la ville de Marseille et à son club de football, l’OM, qu’il présida de 2005 à 2009. Si celui-ci résonnait si intensément en lui, peut-être était-ce parce que son père, Demba, était né en 1899, comme l’OM. Même s’il s’est beaucoup opposé à cet ancien porte-drapeau des Forces françaises libres, il racontait que son esprit était toujours près de lui.
Promis à une carrière militaire
Pape Diouf naît le 18 décembre 1951 à Abéché, au Tchad, où son père, sénégalais, travaille. Mais c’est auprès de son oncle qu’il va grandir, au Sénégal, puis en Mauritanie, avant de terminer sa scolarité à Dakar. « Terminer » est un bien grand mot : l’adolescent manquant d’assiduité, son père décide de l’envoyer en France pour qu’il s’engage, comme lui autrefois, dans l’armée. Pape Diouf ne le sait pas. « L’Africain », comme il se définissait, débarque donc peu avant ses 18 ans en bateau à Marseille, et doit se rendre à l’école militaire, à Avignon. Finalement, il ne s’engagera jamais dans l’armée, préférant voguer dans « le quartier », comme il disait, à Belsunce, le coin marseillais des Africains et des Arabes, où il passera une partie de son temps dans les années 1970.
De prime abord, cette ville ne lui plaît guère. « Je suis arrivé un jour de grand froid, de grand vent, confia-t-il un jour. J’ai tout de suite fait connaissance avec le mistral, qui m’avait ébouriffé, complètement déstabilisé. Non, très franchement, je n’ai pas du tout eu un coup de foudre pour la ville mais plutôt un coup de blues énorme. Quand je suis arrivé, je n’avais qu’une envie, c’était de repartir chez moi. Marseille, c’est après qu’on apprend à connaître la ville, à s’y habituer, à la comprendre et à l’aimer. » Pour l’aimer et la comprendre, la première chose qu’il fera sera d’assister à un match de l’OM.
Le Monde