Crise en Italie : la leçon de Giuseppe Conte à Matteo Salvini
En annonçant sa démission le 20 août, le Premier ministre a enfoncé Matteo Salvini, l’accusant d’avoir fait preuve d’“irresponsabilité” en faisant tomber la coalition gouvernementale. Pour le journal Il Fatto Quotidiano, proche du Mouvement 5 étoiles, au pouvoir, Giuseppe Conte est le grand gagnant de ce duel avec le chef de la Ligue. Et le seul à pouvoir encore sortir le pays de la crise.
Pour paraphraser Clint Eastwood dans Pour une poignée de dollars, on peut dire sans trop prendre de risques que, “quand un homme avec un revolver rencontre un homme avec un fusil, celui qui a le revolver est un homme mort”.
Hier, le Premier ministre démissionnaire Giuseppe Conte a couvert Matteo Salvini de goudron et de plumes de la tête aux pieds, aidé en cela par un énième hara-kiri médiatique du ministre de l’Intérieur et chef de la Ligue, qui s’était assis à ses côtés en espérant l’intimider, mais qui a finalement dû se contenter de faire la grimace.
Il faut dire qu’il était assis, et donc en position de faiblesse par rapport au Premier ministre, qui lui se tenait debout et lui tirait l’oreille, assénant à ce cancre mal dégrossi une leçon de politique, de démocratie, de droit parlementaire et constitutionnel, mais aussi de dignité et de style.
Salvini, qui a plongé l’Italie dans une crise gouvernementale en appelant le 8 août à des élections anticipées, s’est ensuite tiré à nouveau une balle dans le pied en prenant la parole juste après Conte. Son discours était décousu, sans queue ni tête, rendant plus manifeste encore l’abîme moral, intellectuel et dialectique qui le sépare du Premier ministre.
Il aurait dû à tout le moins s’expliquer sur la crise la plus folle du monde, au lieu de quoi il a oublié de le faire et n’a su que dire. Il a préféré embrasser son chapelet, en réponse à Conte qui l’accusait d’instrumentaliser la religion, sous les applaudissements du banc des ligueurs les plus pieux.
Le duel à bout portant entre ces deux modèles politiques et anthropologiques [qu’incarnent Conte d’un côté – proche du Mouvement 5 étoiles – et le chef de la Ligue de l’autre] crée, aux yeux des Italiens, une nouvelle bipolarité dans le camp “populiste”.
Conte, quoi qu’en dise la double propagande linguiste et gauchiste, n’est un homme ni de l’establishment ni du centre gauche vieillissant. Il est le représentant le plus apprécié d’un populisme-souverainisme à visage humain, qui obtient des résultats en Italie et en Europe, contrairement à ce baratineur incompétent et nuisible pour la droite qu’est Salvini.
C’est la raison pour laquelle – même si c’était aussi dans le but de tirer profit des sondages et d’échapper aux enquêtes – Salvini a voulu couler le gouvernement : Giuseppe Conte prenait trop d’ascendant. Salvini ne voulait pas le laisser devenir la fierté du Mouvement 5 étoiles [M5S, antisystème].
Reconduire Conte à la tête d’un gouvernement
C’est la même peur qui anime Nicola Zingaretti, secrétaire général du Parti démocrate [PD, centre gauche], et son ex-Premier ministre Matteo Renzi, divisés sur tout sauf sur leur hostilité à l’égard de Conte. Une hostilité certes compréhensible du point de vue des manœuvres politiciennes, mais myope pour ce qui concerne les intérêts de l’Italie.
Si jamais un gouvernement de coalition M5S-PD voit le jour [scénario proposé par Matteo Renzi pour sortir de l’actuelle crise gouvernementale], le seul et unique moyen de le rendre populaire serait en effet de le confier à Giuseppe Conte. Hier, en l’écoutant s’exprimer au beau milieu d’un débat parlementaire de troisième zone, une même question venait aux lèvres de tout le monde : mais pourquoi une telle figure devrait-elle démissionner ? Et pourquoi ne lui courent-ils pas tous après pour lui confier la tête du nouveau gouvernement ?
Si ce n’est par conviction, alors au moins par pragmatisme : Conte est depuis des mois l’unique responsable politique qui bat Salvini dans les sondages. En juillet 2019, la popularité de Giuseppe Conte était à 58 %, devant Salvini, à 54 %. C’est encore plus vrai après ce qui s’est passé le mardi 20 août. Aujourd’hui, Salvini est dans le creux de sa trajectoire politique.
Seul le Parti démocrate, fortement divisé sur la possibilité d’une alliance avec le M5S, pourrait sauver le chef de la Ligue. Et il semblerait qu’encore une fois il travaille pour lui.