Après mort d’un berger, les ONG exigent l’arrestation de Salaye Déby, son avocat réagit
Le 13 mai 2020, un collectif de cinq organisations de la société civile a exigé l’arrestation immédiate de Salaye Déby, le frère du président de la République, suite à la mort d’un adolescent, Moussa Hassane Albachir (ou Hamid Saleh selon Me Sanna Dieudonné), à Bardé au sud-est de N’Djamena.
« Cet événement tragique s’était déroulé le 28 avril 2020 à Bardé sur la route de Linia au Sud–Est de N’Djamena. Ce jour là, un troupeau de chameaux s’abreuvait à un point d’eau se trouvant à quelques mètres du jardin de Mr Salaye Deby Itno ; celui-ci ayant remarqué la présence de ce troupeau de chameau à proximité des limites de son jardin avait pris une arme de guerre et s’est mis à tirer systématiquement sur les bergers et leurs troupeaux ; terrorisés, ceux-ci se dispersent ; c’est ainsi que l’un des bergers le petit Moussa dans sa précipitation à vouloir échapper aux balles était tombé dans une digue creusée par les ouvriers de Monsieur Salaye et trouve ainsi la mort », a expliqué le collectif.
L’avocat à la Cour, Me Sanna Dieudonné a donné mardi à N’Djamena, la version de son client Salaye Déby sur l’affaire. L’avocat a déclaré que « le décès du présumé bouvier dont il est question était survenu en date du 28 avril 2020 vers 12h à Mabirio, sous-préfecture de Linia, à une trentaine de kilomètres de la capitale N’Djamena. »
Selon lui, « ce jour là, la victime et son compagnon, le nommé Adoum Oumar, âgé de 16 ans, se sont rendus au bras du fleuve Chari, à quelques encablures du jardin de Monsieur Salaye Déby Itno, non pas pour faire abreuver les troupeaux de chameaux mais plutôt pour se rafraichir comme il faisait chaud. La victime s’était déshabillée pour aller se laver au fleuve ; soudain, son ami Adoum Oumar s’était rendu compte que la victime se noyait. C’est ainsi qu’il cria au secours. »
Il ajoute que son client a « droit à la présomption d’innocence ». D’après Me Sanna Dieudonné, « Salaye Déby Itno met au défi de rapporter la preuve de la saisie illégale des troupeaux de chameaux du défunt. »
Par ailleurs, les avocats estiment que leur client « n’est pas au dessus de la loi » et rappellent « que courant de l’année 2015, Salaye Déby Itno, en sa qualité de directeur général des douanes et des droits indirects à l’époque, a été inculpé des chefs d’infraction de détournement des deniers publics et d’enrichissement illicite puis placé sous mandat de dépôt en date du 20 octobre 2015. »
Des « impacts de balles »
Le collectif des défenseurs de droits de l’Homme évoque toutefois des impacts de balles relevés par la Gendarmerie sur les lieux : « Ces bergers et leurs chameaux qui avaient essuyé ses tirs s’abreuvaient dans un point d’eau en dehors de son jardin et n’avaient en aucune façon menacé d’y entrer. Une unité de la Section Nationale de Recherche Judiciaire (SNRJ) de la gendarmerie qui s’était rendue sur place avait dans son constat, relevé que les balles dont l’impact était nettement visible sur un camion gros porteur garé de l’autre coté du cours d’eau étaient tirées à hauteur d’homme ; donc Mr Salaye ne s’était pas contenté de tirer en l’air ; il avait donc tiré en direction des malheureux bergers et leurs troupeaux ; heureusement, aucun d’eux n’a été touché. »
Le collectif ajoute que « ayant opposé un refus catégorique de suivre les éléments de la SNRJ dans leur poste pour y être entendu Mr Salaye Deby Itno n’a pas hésité à proférer des menaces à leur endroit. Le sous-préfet de Bardé et le chef du détachement de la SNRJ avant de partir demandent aux parents du petit Moussa venus retirer son corps de chercher un règlement amiable avec les chefs de race. »
De l’avis du collectif, « une fois de plus, Mr Salaye Deby Itno se croyant au dessus des lois pense qu’il pourra s’en tirer à si bon compte en usant de son statut de frère cadet du Chef de l’Etat et donc d’intouchable. Pour lui et ses semblables, la vie des autres tchadiens n’ont aucune valeur ; il lui suffit après avoir attenté à la vie d’un tchadien lambda d’acheter les consciences de ses parents en y mettant le prix et le problème est oublié. »
Le Collectif des Organisations de la Société Civile (COSC) s’est dit « profondément horrifié par ce comportement sauvage et barbare ». Il a indiqué qu’il entend « faire toutes les diligences afin que le respect de nos textes puissent s’exercer dans toute sa rigueur et compte combattre toute forme d’injustice surtout celle occasionnée par les actes répréhensibles posés par un membre de la famille présidentielle et qui incarnent l’impunité sous toutes ses formes. »
À défaut de l’arrestation de Salaye Déby, le collectif des organisations de la société civile a indiqué qu’il envisage de « planifier des actions citoyennes » avec une « responsabilité » qui en « incombera au Gouvernement ». Pour Me Sanna Dieudonné, son client « ne se reproche de rien » et a « décliné une offre de médiation ».
Alwihda