Au Nigeria, difficile d’arrêter de travailler et de se confiner
Les marchés d’habitude surpeuplés sont presque vides, et les rues impraticables à cause des bouchons sont incroyablement libres: Lagos, mégalopole tentaculaire de 20 millions d’habitants, se met à l’heure du confinement.
A travers le monde, les règles de distance sociale sont difficiles à adopter, mais à Lagos, capitale économique du Nigeria, et ville la plus peuplée d’Afrique, cela relève d’un défi titanesque.
Les autorités, qui laissaient planer le doute sur un confinement total obligatoire, ne l’ont finalement pas imposé.
Mais, pour l’instant, de simples conseils de rester chez soi, et la fermeture d‘écoles, de lieux publics, des bars et des marchés non-alimentaires ont vidé les rues, dans la mesure du possible.
Rotimi Oyedepo, vendeur de produits chimiques dans un marché de Lagos Island, a dû fermer son échoppe sur ordre de la police.
“Ca ne va pas être facile, mais qu’est-ce qu’on peut y faire?”, lance ce père de quatre enfants, assis devant son petit magasin.
Dans ce pays, où plus de la moitié de la population vit sous le seuil de l’extrême pauvreté, on ne peut pas se permettre de ne pas travailler.
“Je n’ai pas assez d’argent pour arrêter de travailler plus d’une semaine”, explique M. Oyedepo.
“D’ici lundi, mardi, dans quelques jours, tout le monde va ressortir de chez lui et faire ce qu’il à faire pour survivre”, prédit-il.
‘Je supplie Dieu’
Samedi matin, le Nigeria ne comptait que 70 cas, mais le nombre de tests est insuffisant et le gouvernement a annoncé une possible “explosion” du nombre de cas.
Les autorités ont fermé les aéroports internationaux et les frontières pour tenter de stopper la propagation du coronavirus.
La grande majorité des vols locaux ont été annulés, les trains sont à l’arrêt, et de nombreux Etats se sont isolés.
Mais convaincre près de 200 millions de personnes de rester à la maison et de limiter ses déplacements n’est pas toujours facile.
Dauda Ali, 24 ans, avait besoin de sortir de chez lui et de prendre les transports en commun pour retrouver un ami qui a accepté de lui donner un peu d’argent.
“Je vends du matériel de construction, mais comme le gouvernement a imposé la fermeture des marchés, ce n’est pas facile de nourrir ma famille”, explique-t-il à l’AFP.
“Le gouvernement doit nous aider, on ne peut rien faire pendant la mise en place de ces restrictions”, plaide-t-il.
Le gouverneur de Lagos a promis une aide aux plus 200.000 foyers les plus vulnérables, et une aide alimentaire aux démunis.“S’il vous plaît, restez à la maison avec ceux que vous aimez. Nous faisons ce qu’il y a de mieux pour vous”, écrivait le gouverneur sur Twitter.
Mais bientôt les revenus de l’Etat ne suffiront plus. Le premier producteur de pétrole du continent, qui tire 90% de son budget des revenus de l’or noir, est frappé de plein fouet par la chute du prix du baril et a du diminuer ses prévisions budgétaires de moitié.
D’autre part, l’inflation augmente. Les fournisseurs ne parviennent pas à suivre la cadence. “Ils ne viennent plus et les clients eux, achètent beaucoup pour faire des stocks”, explique Ismail Yahaya, un vendeur de fruits.
“Je supplie Dieu qu’il arrête ce virus. Ce n’est vraiment pas bon pour le business”.
‘Service squelettique’
Dans la capitale fédérale du pays, à Abuja, la politique s’est arrêtée.
Le Parlement a été fermé et les fonctionnaires ont reçu l’ordre de rester chez eux. “Le service est très squelettique”, expliquait l’un d’eux, ne souhaitant pas être nommé.
“C’est vraiment bizarre ce qu’il arrive, et un grand souci pour tout le monde. Cette situation instille de la peur chez les Nigérians sur leur lieu de travail”, confie-t-il.
Maintenir un service d’Etat avec des employés qui doivent travailler de la maison n’est tout simplement pas faisable pour beaucoup.
Au Nigeria, les coupures d‘électricité sont fréquentes et durent parfois plusieurs jours.
“Nous vivons des temps difficiles”, reconnaît Tony Ogunleye, porte-parole du ministère des Transports d’Abuja.
“Mais les temps difficiles requièrent des décisions difficiles, et tout le monde devra faire avec, pour un temps, qui je pense ne devrait pas durer trop longtemps.”
AFP