Diplomatie. Entre Séoul et Tokyo, rien ne va plus
En décidant, début juillet, de restreindre les exportations de certains composants vers la Corée du Sud, le gouvernement japonais a déclenché une nouvelle crise avec Séoul. Il a franchi une nouvelle étape ce vendredi 2 août en rayant son voisin d’une liste d’États bénéficiant d’un traitement de faveur. Au-delà de cette “guerre commerciale”, ce sont les lourds contentieux du passé qui continuent d’empoisonner les relations entre les deux voisins.
“Une relation qui se délite. Enquête sur une guerre commerciale entre le Japon et la Corée du Sud dont personne ne sortira gagnant”, titre le magazine japonais Nikkei Asian Review en couverture de son dernier numéro consacré au regain de tensions entre les deux pays. Des tensions provoquées par la décision, début juillet, du gouvernement de Shinzo Abe de restreindre les exportations de composants chimiques entrant dans la fabrication de semi-conducteurs et d’écrans de smartphones vers son voisin.
En réaction, la population coréenne s’est levée comme un seul homme et a décidé de boycotter les produits japonais. Exemple, raconte la Nikkei Asian Review dans le reportage qui ouvre son dossier, la boutique de la marque de prêt-à-porter japonaise Uniqlo d’un centre de commercial dans le nord de l’agglomération de Séoul. Habituellement grouillant de monde le week-end, “elle était complètement déserte un récent dimanche de juillet, conséquence du mouvement ‘Boycottons le Japon’ qui s’est propagé à travers la Corée du Sud”.
La raison officiellement invoquée par les autorités japonaises est le “manque de confiance” envers la Corée du Sud alors que ces matériaux sont très sensibles et peuvent être utilisés dans l’armement. Pourtant, derrière cette “guerre commerciale”, estiment de nombreux observateurs, il faut davantage y voir une énième résurgence du contentieux entre les deux pays qui date de la première moitié du XXe siècle, quand le Japon avait colonisé la péninsule coréenne.
La Nikkei considère une décision de la Cour suprême sud-coréenne rendue le 30 octobre dernier comme étant l’élément déclencheur de cette crise. La haute juridiction a accordé à “quatre ouvriers ayant travaillé pour une aciérie japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale 100 millions de wons [75 000 euros] au titre de réparation”. Un jugement qui, selon le magazine, a été interprété par Tokyo comme une remise en cause d’un accord sur le travail forcé conclu en 1965, qui était censé avoir réglé définitivement ces litiges. Désormais, les autres victimes et leurs proches, au nombre de 220 000, pourraient se sentir encouragées à entamer des poursuites à leur tour.