Indonésie: La Papouasie occidentale s’enflamme
Après quatre jours d’émeutes en Papouasie occidentale, Jakarta a dépêché sur place les plus hauts responsables de la sécurité. Signe de la défiance récurrente du pouvoir central face à ce territoire aux velléités indépendantistes.
Preuve que la situation dans les deux provinces indonésiennes de l’île de Nouvelle-Guinée est très préoccupante, les trois plus hauts responsables de l’État indonésien, après le président, viennent d’être dépêchés sur place.
“Le chef de la police nationale, Tito Karnavian, le chef des armées Hadi Tjahjanto et le ministre coordinateur des Affaires politiques, judiciaires et sécuritaires Wiranto, viennent ce jeudi 22 août de s’envoler pour la Papouasie”, rapporte Tempo en ligne.
Des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes de Papouasie occidentale depuis l’assaut par la police le 17 août, date la fête nationale indonésienne, d’une résidence d’étudiants papous à Surabaya, sur l’île de Java. L’assaut de la police s’est accompagné d’insultes racistes.
La situation semblait s’être quelque peu calmée à Manokwari et Sorong, théâtres d’émeutes lundi. Mais, mercredi 21 août, c’est la ville de Fakfak qui s’est enflammée : “Des affrontements se sont produits entre les manifestants et des habitants de Fakfak, ces derniers étant furieux des destructions et incendies provoqués par les émeutiers et du déploiement du drapeau à l’étoile du matin, étendard [interdit] des indépendantistes papous”, note Koran Tempo.
L’ombre des indépendantistes ?
“L’organisation de la Papouasie libre l’OPM rejette depuis 1965 l’annexion de la Papouasie occidentale par l’Indonésie a déployé le drapeau à l’étoile du matin et a forcé le maire de Fakfak à le brandir”, a déclaré au quotidien le chef de la police locale. Mais contacté par Tempo, le porte-parole de la branche armée de l’OPM, Sebby Sambom, réfute cette accusation :
Il n’y a eu aucune instruction de l’OPM. Les Papous veulent l’indépendance. À chaque manifestation, ils la réclament.”
Sebby Sambom ajoute que l’OPM n’est pas impliquée dans la vague d’émeutes qui agite la Papouasie occidentale : “Le peuple est conscient de ses droits”, affirme-t-il.
Sous le titre “Jakarta se démène pour rétablir l’ordre en Papouasie”, le Jakarta Post précise que 960 hommes de la brigade mobile de la police ont déjà été envoyés en renfort à Manokwari, Sorong, Fakfak et Timika. Cinq unités supplémentaires vont être déployées sur place.
Coupure d’Internet
Autre mesure prise par Jakarta : le ralentissement de la bande passante, ordonné dans toute la Papouasie depuis mercredi soir. “Cette décision a été prise pour empêcher la diffusion de nouvelles mensongères, qui enveniment encore plus la situation dans ces deux provinces. Deux rumeurs ont été identifiées jusque-là. La première est la photo d’un étudiant papou tué sous les coups des forces de l’ordre à Surabaya. La seconde concerne une information selon laquelle deux personnes auraient été enlevées par la police alors qu’elles apportaient à manger aux étudiants papous repliés dans leur résidence”, précise Kompas.
Cette mesure est vivement critiquée par le directeur de l’Institut pour la réforme de la justice pénale (ICJR), Anggara. Il explique à Kompas :
Si le gouvernement veut bloquer totalement tous ces services, il doit, conformément à la Constitution de 1945, faire, au préalable, une déclaration politique stipulant que le pays est en danger. Toute forme de restriction des droits de l’homme, sans explication, ni fondement, constitue une violation sérieuse de ces droits et doit être aussitôt suspendue.”
Un échec pour la politique de Jokowi
En conclusion de son article, le grand quotidien national dresse la liste de constructions d’infrastructures dans la province, lancées par le président Joko Widodo depuis son élection en 2014 : 3 851 km de l’autoroute transpapoue déjà terminés sur une longueur totale de 4 325 km, l’électrification en 2017 de 77 % de la Papouasie, contre 30 % en 2013, l’objectif étant de couvrir 85 % fin 2019, la construction de six aéroports, de deux gigantesques barrages.
Kompas souligne également que Widodo s’est déjà rendu dix fois dans ces deux provinces, en vain.