Lac Tchad : Les violences armées séparent plusieurs familles
Voisin avec le Nigéria, la Province du Lac est confrontée ces dernières années à une instabilité chronique, bouleversant le quotidien de la population.
La Province subit de plein fouet les affres des violences armées enclenchées au Nigéria voisin et qui se sont peu à peu étendues au Tchad, au Cameroun et au Niger.
Plusieurs villages de la Province du Lac ont été victimes de ces conflits qui ont obligé des milliers de personnes à fuir leurs lieux d’origine pour trouver refuge dans d’autres villages.
Situé dans des îles, au fond fin du Lac Tchad, le 23 mars 2020, le village Bohoma, a été le théâtre d’un conflit armé qui a causé beaucoup de dégâts humains et matériels.
A cause de cet évènement malheureux, la population a quitté ce village pour s’installer dans les villages AMMA et DIAMEROM, dans le Département de Fouli pour se mettre à l’abri. Ce déplacement brusque et inattendu a impacté négativement la vie de la population, avec pour conséquences la séparation de plusieurs personnes avec leurs familles.
Des familles plongées dans le désarroi
Plusieurs personnes ont perdu contact avec leurs familles suite aux conflits armés qui ont touché le village Bohoma le 23 mars 2020.
Installées dans le Département de Fouli, ces personnes connaissent un choc physique et psychologique en se rappelant des souvenirs de la disparition des leurs.
Plus de deux (2) ans après, beaucoup de parents sont sans nouvelles de leurs enfants et c’est aussi le cas pour plusieurs enfants.
« Lors des déplacements, les choses sont allées tellement vite que personne n’a eu le temps de vérifier si sa famille est complete.
Une fois à l’abri, les familles constatent l’absence de leurs enfants. Il y’a également des enfants qui ont perdu contact avec soit un parent soit tous les deux parents» Nous renseigne une source.
Des familles entre espoir et désespoir
Une mère de famille installée dans le village Amma, la cinquantaine révolue, nous a raconté avec beaucoup de peine la disparition de son fils ainé suite à l’attaque de leur village.
« Je n’ai pas pu m’assurer s’il était parmi nous ou pas lorsque nous quittions Bohoma après l’attaque. Comme il est adulte, je ne me suis pas beaucoup soucié pour lui. Je me suis juste occupée de ses cadets. C’est une fois ici que j’ai constaté son absence mais pour moi, il va quand même venir avec ceux qui sont restés derrière car il est très intelligent. Mais malheureusement, je n’ai pas eu de ses nouvelles jusqu’à aujourd’hui. » A-t-elle expliqué.
Cette femme a fini donc par faire son deuil après deux ans passés sans nouvelles de son fils.
« Nous avons demandé un peu partout mais en vain. Personne ne nous a dit qu’il a vu notre fils. Il serait donc fort probable qu’il soit tué ou mort de suite de noyade dans le Lac. » Se désole-t-elle.
D’autres par contre espèrent revoir un jour les leurs car ils pensent que ces derniers seraient peut-être installés ailleurs. C’est le cas de Kadi, un père de famille qui a lui aussi fui les violences de Bohoma pour s’installer à Amma.
Ce dernier espère revoir un jour son fils avec qui il a perdu contact lors de cette attaque.
« Nous n’avons pas eu de ses nouvelles depuis plus de deux (2) ans mais on pense qu’il serait installé ailleurs, dans les pays frontaliers. Nous ne sommes sûr de rien mais on espère le revoir un jour incha’Allah. » Confie Kadi.
Les familles éprouvent des difficultés pour chercher leurs proches
Même si certaines familles semblent garder espoir, ce n’est pas réellement le cas sur le terrain. « La zone est jusque-là en proie aux violences armées et il est difficile de dire avec assurance que les disparus suite à ces évènements sont en vie. Il n’y a pas que des tchadiens, il y a aussi les nigérians qui trouvent refuge dans certaines localités du Lac Tchad suite aux attaques chez eux. C’est compliqué. » Indique un chef de village.
Il ajoute ensuite que les familles en quête des leurs sont limitées dans leurs recherches. « Ils ne savent pas vers où et vers qui se tourner pour avoir ne serait-ce qu’une petite information concernant les disparus. Ils ne peuvent pas non plus aller eux-mêmes chercher par mesure de sécurité parce que l’insécurité règne toujours dans la zone. La situation est confuse. »
Les familles appellent les autorités, les ONGs et les bonnes volontés à l’aide
Les familles des personnes disparues suite à l’attaque du village Bohoma appellent les autorités tchadiennes, les Organisations Non Gouvernementales (ONG) nationales et internationales et les bonnes volontés à les aider à retrouver leurs enfants. « S’il y’a une personne qui peut nous aider à retrouver nos enfants, nous ne pouvons que nous en réjouir. » Lance une mère.
Débutés il y a plusieurs années, ces conflits continuent de semer la terreur, causant des massacres, parfois par des techniques ignobles, poussant une grande partie des populations de la région du Lac Tchad à fuir sans cesse.
Adam Ramadane Ibrahim.