Mariage : «Une erreur, un danger» Aché Moustapha s’interroge sur les coûts élevés
Célébrer un mariage au Tchad relève du parcours du combattant. Dans nos sociétés arabo-musulmanes les traditions, us et coutumes se sont mixés à la religion donnant ainsi un visage nouveau aux cérémonies.
Une erreur, un danger ?
L’organisation et les étapes du mariage ont aussi évolué à ce jour.
La première consiste déjà à venir faire la demande de main appelée communément ‘’Keribine Rass’’ (l’attrape tête en définition). Une famille peut accepter plusieurs demandes de main avant de faire son choix sur le prétendant. Arnaque ou pas ? Ce qui est drôle de nos jours dans cette phase c’est qu’on ramène une montre, un téléphone, de l’argent et un petit bijou à la femme. La nouvelle tendance de N’Djaména. Mais bon Dieu à quoi servira le téléphone ? Il parait qu’il sert au prétendant pour échanger avec la jeune fille formellement !
La deuxième phase n’est autre que la dot ‘’Fatiha’’. La réelle étape religieuse à mon sens. On apporte de l’argent, du bétail, de l’or, des cadeaux, bref, en fonction des revenus du marié et encore on s’en fout royalement de ses revenus. Il doit payer et puis c’est tout ! Certaines familles imposent des montants et d’autres sont moins regardant sur la fortune, acceptent le geste symbolique.
Au Tchad, Il y’a même un village qui a fixé un prix pour la dot afin de limiter ses extravagances. Tous les jeunes aspirent à se marier à BARO, ce village où la femme coute pinut. Si en soit les sages de ce village ont souhaité rétablir une certaine équité en harmonisant le prix, ils ont tout de même joué à la catégorisation des femmes selon le statut de chacune (mariée, divorcée, jeune fille etc.) mettant à mal la dignité de la femme. Comme quoi en voulant régler un problème on en crée un autre.
Vient ensuite la phase du ‘’Henné’’, étape qui consiste à poser du henné sur une partie du corps de la future mariée par sa belle-famille qui effectuera le déplacement chez elle. Là encore le fameux henné sera posé au bout de l’orteil de la mariée qui s’emmitouflera dans un voile pour ne pas qu’on puisse la voir. Seulement, tout le monde sait que ce n’est pas elle sous le voile mais une amie ou cousine à elle. Secret de polichinelle ! Désolée de casser le suspens…
C’est bien souvent dans cette étape que les hypocrisies et les guéguerres des belles familles naissent. Chaque famille devra offrir à l’autre des cadeaux en retour : couvertures, draps, encens, gâteaux, pagnes, denrées alimentaires bref du tout quoi !
Si par malheur l’une des familles n’a pas été à la hauteur c’est-à-dire généreuse, elle sera taxée de radine et bonjour les problèmes, les machakils.
S’en suit le grand jour du ‘’Arous’’, le jours du mariage, cette étape est le bouquet final festif et c’est cette nuit que les mariés se découvriront intimement pour faire crac-crac !
Le lendemain du mariage est appelé le ‘’Moscoro’’, les deux familles passent la journée à boire, manger et danser dans le foyer du couple marié. Du côté des femmes, dans une même maison ensemble pour célébrer un mariage, mais divisées en groupes famille de la mariée et du marié. Chose bizarre n’est-ce pas ? Ils découvriront la maison belle et fraichement décorée. C’est aussi lors de cette phase que les jalousies des copines, cousines de la mariée naissent dans la plus grande discrétion entre envie et jalousie. Pourquoi elle et pas moi ! C’est surtout ce jour que la famille saura si la fille est vierge ou pas… Aha, même si la virginité de la mariée n’est plus vraiment d’actualité de nos jours.
Le ‘’Sab-ate’’ le septième jour, qui est l’avant dernière étape consiste, tenez-vous bien, à faire un challenge de cuisine entre la mariée et le témoin de son époux. C’est cette étape qui permettra à la mariée de pouvoir circuler dans sa cour. En effet, durant les sept jours, elle se cachera le visage et ne sortira pas de sa chambre. Enfin, la dernière phase est le ‘’arbayine’’ le 40ème jour où la jeune mariée va enfin pouvoir visiter sa famille et passer sa première journée avec son statut de Madame.
Aujourd’hui les coûts de ces étapes ont littéralement obligé des familles à condenser les étapes tant pour économiser que pour réduire les charges dans l’organisation.
Hier n’est plus aujourd’hui et tout change en espérant que ce soit de même pour nos mentalités.
Aché Ahmat Moustapha
Sociologie, Auteure et réalisatrice