Sahel : la France et ses alliés en sommet face aux violences qui persistent
La France et ses alliés sahéliens doivent faire le point mardi sur leur action contre le jihadisme dans une région où les violences persistent malgré un engagement militaire renforcé et où la récente crise politique au Mali complique encore la donne.
Les chefs d’Etat des six pays (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad, France) doivent se livrer à Nouakchott à un point d‘étape après le sommet qui les avait réunis en janvier à Pau (France).
Le sommet de Pau avait été organisé sous la pression d’une série de revers des armées sahéliennes face aux jihadistes, de la mort de 13 soldats français en opération et de remises en question de l’intervention française au Sahel.
Après Pau, il fallait infléchir la courbe des violences et reprendre le contrôle du terrain. Rendez-vous avait été pris six mois plus tard en Mauritanie pour un nouvel état des lieux.
L’irruption du Covid-19 a compliqué l’organisation de ce nouveau sommet au point que, quelques jours avant, l’incertitude subsistait sur sa tenue en présence des dirigeants ou par visioconférence. La Mauritanie connaît une progression significative de la maladie et ses frontières aériennes sont fermées.
Le président français Emmanuel Macron fera bien l’aller-retour, a dit l’Elysée. Il s’entretiendra à huis clos avec ses homologues sahéliens. Puis, la réunion sera élargie à d’autres partenaires comme le président du Conseil européen Charles Michel et les chefs de gouvernement allemand, italien et espagnol, selon la présidence française.
La situation reste très tendue au Sahel où, depuis ses débuts en 2012, le conflit d’abord circonscrit dans le nord du Mali, s’est étendu au centre du pays et aux Niger et Burkina Faso voisins, faisant des milliers de morts. Quasiment pas un jour ne passe sans une attaque et aucune sortie de crise n’est en vue.
Comme convenu à Pau, la force antijihadiste française Barkhane et ses alliés ont donné un coup d’accélérateur dans la zone dite des trois frontières entre Mali, Niger et Burkina Faso, où l’organisation Etat islamique concentrait ses actions.
La France vient d’enregistrer un succès significatif en annonçant avoir tué le leader d’Al-Qaïda au Maghreb islamique Abdelmalek Droukdal avec le soutien américain. Elle revendique la neutralisation, avec ses alliés, de centaines de jihadistes.
Cependant, les appréciations sur la situation divergent. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres évoquait récemment des “progrès importants” au cours de l’année écoulée quand les Etats-Unis pointaient du doigt devant le Conseil de sécurité une absence de progrès politiques “significatifs”, qui perpétue selon eux “l’aggravation de la situation sécuritaire”.
“Désarroi” militaire
Ibrahim Maïga, chercheur à l’Institut d‘études de sécurité (ISS) à Bamako, note ainsi que dans le centre du Mali, important foyer de violences, les “affrontements locaux” n’ont jamais cessé mais sont “largement passés inaperçus ces derniers mois”.
La zone a été le théâtre en 2020 d’un développement “à suivre de près”, selon un expert en sécurité basé dans le secteur: les groupes affiliés à l’Etat islamique et Al-Qaïda se sont combattus pour la première fois à plusieurs reprises, mettant fin à l’exception sahélienne de non-agression.
Mais par ailleurs l’accord de paix signé en 2015 par certains belligérants maliens (pas les jihadistes) et jugé essentiel pour stabiliser le Mali n’avance guère et “n’obtient pas assez d’attention”, déplore un diplomate européen à Bamako.
L’arrivée d’un nouveau contingent tchadien dans la zone des trois frontières, promise après Pau, se fait toujours attendre.
Les chefs d’Etat se concerteront aussi à un moment où l’un d’entre eux, le Malien Ibrahim Boubacar Keïta, est confronté à une contestation intérieure dont l’issue pour l’instant imprévisible inquiète les voisins ouest-africains et les alliés du Mali.
Autre ombre au tableau : les accusations d’exactions contre les armées nationales, qui se multiplient. Les ONG accusent les militaires d’avoir tué plusieurs centaines de civils depuis janvier.
“La recrudescence de ces actes montre le désarroi des forces de sécurité” face aux attaques qui les visent, dit le chercheur burkinabé Mahamadou Savadogo.
Une source gouvernementale française rappelle sous le couvert de l’anonymat l’un des enjeux de la crise sahélienne en s’inquiétant d’une “possible pression” jihadiste vers le sud. Mi-juin, la Côte d’Ivoire a subi une attaque pour la première fois depuis 2016.
AFP