Tchad : Manque de structure éducative et de soutien, les enfants aveugles face à un avenir incertain
Plus de 30 ans après la ratification de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant par le Tchad, son application pose problème. Les enfants en général et ceux en situation de handicap visuel en particulier font face à beaucoup de problèmes dont celui d’accès à l’éducation. Le Centre de Ressources pour Jeunes Aveugles (CRJA) est pratiquement le seul centre qui forme les enfants non-voyants en braille pour leur permettre de débuter leur scolarité.
Malgré cela, certaines familles refusent de croiser les bras. Certes, leurs enfants sont privés de la vue mais cela n’entame en rien leur volonté de les former.
Mahamat, Charline et Christophe, trois enfants aveugles rencontrés au CRJA, sont venus s’informer sur l’année scolaire 2023-2024 qui s’annonce. Accompagnés par leurs parents, ils s’accordent tous que «perdre la vue, ce n’est pas perdre la vie».
« Monsieur, les cours reprendront quand à l’école Kabalaye ? » Demande Charline, élève en classe de CE2 à Monsieur Clément, le responsable pédagogique adjoint du CRJA.
Comme elle, Mahamat est également impatient de reprendre le chemin de l’école après 5 ans de rupture. Il a perdu la vue alors qu’il était en classe de CM1.
« J’ai arrêté les cours parce que je ne connaissais pas le braille. Je faisais les cours oralement mais je rencontrais beaucoup de difficultés. J’avais décidé de venir au CRJA l’année passée pour apprendre le braille et reprendre les cours. » Confie-t-il.
Cependant, derrière cette envie de reprendre les routes de l’école se cachent des obstacles que ces enfants essaient de surmonter. Par manque de structures adaptées, de matériels de formation et d’enseignants spécialisés, les enfants handicapés visuels fréquentent les écoles ordinaires. Bien qu’ils bénéficient de la sympathie de leurs camarades, ils font face à plusieurs obstacles.
« Nos enseignants ne comprennent pas le braille. Lorsqu’on compose un devoir, c’est un enseignant du CRJA qui intervient pour transcrire avant que nos enseignants nous attribuent une note quelques jours après. Pendant ce temps, les autres connaissent leurs notes le même jour. » Se plaint Charline.
Certaines matières scientifiques sont aujourd’hui un luxe que les enfants non-voyants ne peuvent pas s’offrir faute de matériels. « Quand vous prenez par exemple l’algèbre, de 6ème en 3ème ça passe encore. Mais après, les matériels pour faire les sciences sont chers et ça fait qu’on a que des non-voyants littéraires au Tchad. » Explique Lappel Martin, le Directeur du CRJA.
Certains enfants internés au CRJA sont parfois victimes d’accidents de circulation parce que par manque de bus de transport, ils traversent le goudron à pied pour aller à l’école Kabalaye située à quelques mètres de là.
« J’ai peur quand je traverse le goudron pour aller à l’école parce que j’ai déjà connu un accident. » Déclare Christophe avec inquiétude.
Aussi, les parents dépensent énormément d’argent pour assurer le transport de leurs enfants non-voyants au CRJA ou dans les écoles qui acceptent ces enfants.
« La scolarisation des enfants aveugles n’est pas facile. On dépense beaucoup d’argent juste pour leur déplacement parce qu’il n’y a que le CRJA et deux ou trois établissements partenaires qui forment les enfants non-voyants. » Fait savoir Nicole, mère de deux enfants aveugles.
Plusieurs enfants aveugles privés d’éducation
L’éducation des enfants aveugles est quasiment oubliée au Tchad. Jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas une structure publique dédiée exclusivement à la formation de cette couche de la société. Ainsi, si les autres enfants peuvent aller à l’école sans trop de soucis à chaque rentrée, ce n’est pas le cas pour ces enfants.
« Je veux aller à l’école comme les autres mais on m’a dit qu’il n’y a pas l’école pour les aveugles dans notre quartier. C’est pourquoi je pars seulement à l’école coranique. » Confie Ali, un jeune aveugle rencontré dans le 8ème arrondissement de la ville de N’Djaména.
Moise, un jeune aveugle âgé de 12 ans rencontré au quartier Dembé en compagnie d’une de ses sœurs n’espère pas apprendre à lire et à écrire un jour comme les autres enfants. Il a perdu tout espoir et se résigne à son sort.
« Au début, je voulais aller à l’école avec mes frères mais on m’a dit que cette école n’est pas pour les non-voyants. Après, on voulait m’inscrire dans une école pour les aveugles mais mes parents n’ont pas assez de moyen pour payer ma scolarité et mon transport parce que l’école est un peu loin. » A expliqué Moïse.
Comme eux, ils sont nombreux, ces enfants non-voyants qui sont exclus du système éducatif pour leur handicap.
L’Etat appelé au secours
Les enfants non-voyants demandent aux autorités de créer des écoles spécialisés pour la formation des aveugles. « Je demande à l’Etat de créer des écoles pour les aveugles partout au Tchad pour nous permettre d’apprendre. » Plaide Charline.
Le Directeur du CRJA demande pour sa part à l’Etat de recruter les enseignants spécialisés dans l’enseignement des aveugles et accompagner le CRJA pour éduquer ces enfants. « La présence des hautes autorités à nos côtés est très fondamentale. Nous avons plus besoin de leur présence à nos côtés. » Lance-t-il.
TWM/ Mbodou Hassan Moussa